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Pédagogie - Apprentissage d'un morceau
P. Lecorre Les différentes Étapes de l'apprentissage d'un morceau
Certaines questions reviennent souvent à l'esprit du musicien qui s'apprête à aborder une œuvre nouvelle : Comment vais-je travailler ? Par où commencer ? Quand arriverais-je au résultat escompté ? Arriverais-je à jouer l'œuvre correctement ? en résumé : Comment faire pour arriver à jouer une œuvre telle qu'on le souhaite ? Bien sûr, chacun a sa méthode ! Méthode mise au point par des années d'expérience, de succès et d'erreurs, fruit d'une mûre réflexion ou d'une intuition non moins mûre. Au-delà des savoir-faire personnels, voyons quelles étapes jalonnent le parcours qui s'étend entre le désir de jouer une œuvre et son exécution finale : Un édifice Le travail d'une œuvre est un véritable édifice où chaque élément doit pouvoir trouver sa place à un moment donné. Pour ce faire, certains éléments doivent être mis en place avant d'autres : commencerait-on la décoration d'une pièce avant d'avoir bâti les fondations de la maison ? Quatre étapes fondamentales se succèdent : le plan, les fondations, l'édification, la finition. Le plan est la phase durant laquelle toutes les informations sont réunies sur l'exécution et l'interprétation de l'œuvre. La fondation est le moment où l'on met en place les réflexes instrumentaux par rapport aux éléments du texte. L'édification est l'étape où l'on donne à l'œuvre son allure d'exécution. La finition est le moment où l'on peaufine chaque détail afin d'atteindre la plus grande perfection possible. Chaque étape doit être pleinement accomplie avant d'accéder à la suivante : il serait peu productif de chercher à presser le tempo d'une œuvre (édification) tant que les réflexes de base ne sont pas assimilés (fondation) ; encore moins de travailler sur la finition ! Le plan et les fondations peuvent occuper à elles seules 50 % du travail total sur l'œuvre. L'édification est une phase relativement courte (20%). Les finitions peuvent demander qu'on s'y attarde un certain temps (30%). Ces proportions sont communes à de nombreux processus d'édification. Avant qu'une maison ne sorte de terre, il faut un certain temps pour réaliser les plans et faire les fondations. C'est le moment où on a l'impression que rien ne se passe. Pourtant le travail effectué est la partie cachée de l'iceberg. Dès que le premier étage apparaît, les autres étages apparaissent très vite. Quant à habiter cette maison et réaliser la décoration de ses rêves, cela peut prendre toute une vie ! Le plan C'est la phase durant laquelle est défini l'objectif à atteindre : A quoi désire-t-on que l'œuvre ressemble une fois travaillée ? Quand vous désirez construire une maison, vous commencez par la rêver. Puis vous faites appel à un architecte qui va réaliser un plan en tenant compte de votre rêve initial et des contraintes matérielles auxquelles le projet est soumis. Faîtes de même à l'instrument : 1. Commencez par découvrir l'œuvre intuitivement : écoutez-la, déchiffrez-la, laissez-vous aller au plaisir de l'écoute et à ce que vous ressentez. Laissez agir le rêveur qui est en vous. 2. Analysez l'œuvre et définissez, le plus précisément possible, chaque élément du morceau. Selon vos connaissances, définissez les tempi, la forme, l'harmonie, les tonalités, les carrures, les "climax", les doigtés, les coups d'archet, les respirations, le caractère des phrases, l'émotion contenue dans les différentes sections, etc. Soyez l'architecte, le réaliste qui va confronter l'intuition de la phase n° 1 avec votre savoir et votre logique. 3. Dirigez et jouez mentalement l'œuvre en y intégrant les éléments d'analyse et d'intuition précédents. Entendez tous les détails et faites autant de versions nécessaires pour que l'œuvre soit fidèle en tout point à ce que vous souhaitez. Vous avez maintenant les plans en main ! A ce stade, vous devez savoir avec précision comment vous voulez jouer l'œuvre en question. Plus votre objectif sera précis et plus vous l'atteindrez. C'est le travail que fait un chef d'orchestre avant de répéter avec les musiciens : s'il sait ce qu'il désire entendre, il pourra solliciter et guider son orchestre à le faire. S'il en a une idée vague, c'est lui qui se fera diriger par eux ! C'est aussi grâce à cette phase que vous saurez si vous travailler dans la bonne direction et si votre but est atteint à un moment donné. Vous pourrez ainsi mesurer de jour en jour les progrès réalisés et ce qui vous manque encore pour arriver au terme de votre travail. C'est dans l'objectif que réside l'efficacité et la motivation du votre travail. Les fondations Les plans ainsi réalisés, l'étape suivante consistera à créer les réflexes instrumentaux. Il faut savoir que notre cerveau apprend et mémorise en permanence et que pour créer un réflexe technique, il suffit de répéter exactement deux ou trois fois le même geste pour que celui-ci s'automatise. Il est donc important pour effectuer un travail efficace de mettre en place dès le début tous les éléments du texte sans erreurs. C'est un peu comme si l'on se frayait un chemin dans la forêt. Il faudra passer systématiquement au même endroit si l'on veut que les marques s'affirment et que le chemin se dessine. Si l'on joue en faisant des fautes à chaque déchiffrage, c'est autant de morceaux nouveaux que l'on apprend ! Il faudra alors multiplier les répétitions pour qu'une série de réflexes prédominent sur les autres ; cela représente une énorme perte de temps et crée la possibilité que les mauvais réflexes apparaissent en état de stress. · Pour créer ces réflexes, nous allons utiliser lenteur et concentration. Il s'agit de mettre en place un triple processus : voir la partition en détail, entendre intérieurement comment ça sonne et jouer exactement ce qui est vu et entendu. La stratégie de base de l'apprentissage musical peut se résumer Comme suit : Visuel Externe ð Auditif Interne ð Kinesthésique Interne ð Kinesthésique Externe (Je joue !) Cela demande beaucoup d'attention et il ne faut pas avoir honte à faire ce premier travail excessivement lentement afin qu'aucune erreur ne se glisse dans ce processus. Il faut qu'à cette vitesse vous restiez entièrement maître des réflexes que vous mettez en place c'est-à-dire que vous ayez le temps de penser à l'avance pour donner le bon "ordre" à vos doigts. Jouez les notes que quand vous en êtes sûr plutôt que de faire de fausses notes et de vous reprendre. Vous apprendrez ainsi à faire ce qu'il faut plutôt que de désapprendre ce qu'il ne faut pas faire ! En cas d'erreur néanmoins, recommencez immédiatement avec les bons éléments. Ce travail mobilisant toute notre attention, n'hésitez pas à vous arrêter régulièrement dès que votre concentration baisse (toutes les cinq minutes environ). Faites de la sorte deux ou trois lectures de la partition. · Unifiez les réflexes mis en place précédemment dans un tempo commun (toujours très lent). Définissez (à l'aide de votre métronome) le tempo minimum auquel vous pouvez enchaîner l'œuvre lentement sans erreur. · Enchaînez plusieurs fois de suite le morceau à la même vitesse lente jusqu'à ce que vous puissiez l'enchaîner "automatiquement" avec un effort de concentration minimum. Cette dernière phase permet de valider tout le processus d'apprentissage, c'est-à-dire que ce qui a été acquis avec peine devienne aussi aisé que le fait de respirer : tout ce qui est appris grâce au ressources de l'hémisphère gauche du cerveau (analytique) est petit à petit pris en charge par le "cerveau droit" (global). Pour résumé cet aspect, l'apprentissage est un tout en de quatre étapes : 1. Au début, nous ne sommes pas conscients de ce que nous ne savons pas : nous sommes inconsciemment incompétents. 2. Un jour nous découvrons qu'il y a quelque chose que nous ne sachions pas (et que nous aimerions apprendre bien sûr !). Nous devenons consciemment incompétents. 3. Alors nous faisons "l'effort" d'apprendre. Nous devenons alors consciemment compétents. 4. Le processus n'est complet que lorsque nous "oublions" ce que nous avons appris c'est-à-dire lorsque nous sommes inconsciemment compétents ! A la fin de cette phase vous aurez créer les réflexes de base du morceau. Tout est en place dans la lenteur. La maison n'est pas encore sortie de terre mais les fondations et la structure de l'édifice sont en place. Dans un certain sens, le plus dur est fait ! L'édification Au stade où nous en sommes, les réflexes sont installés dans un tempo lent. Il s'agit maintenant de faire évoluer ces réflexes vers le tempo définitif. Pour créer les réflexes de base nous avons utilisé notre concentration et nous avons traité les informations de manière détaillée et analytique. Lors de cette phase, nous allons "globaliser" progressivement les informations et lâcher le contrôle en pensant la musique par "bloques" de phrases de plus en plus grands. Dans ce travail, notre pulsation sera une ressource précieuse : à la manière d'une boite de vitesse qui démultiplie l'effort produit, une pulsation de plus en plus large nous aidera à gagner en vitesse. Le métronome nous servira de référence pour évaluer la progression vers le tempo final. Définissez avec précision à quelle vitesse (grâce au métronome) vous pouvez jouer lentement et aisément le morceau. A partir de là, rejouez-le tout dans un tempo plus allant sans penser à la vitesse. Jouez le morceau deux ou trois fois en laissant aller le tempo jusqu'au ce que des difficultés ou une insécurité apparaissent. Pour vous y aider, agissez sur votre pulsation : si vous étiez à la croche pensez alors le morceau à la noire puis à la blanche. Définissez grâce au métronome la vitesse que vous avez atteinte. Restez à cette vitesse le temps de corriger toutes les erreurs ou les distorsions qui se sont introduites entre le texte, votre écoute et votre geste. Restez à cette vitesse jusqu'à ce que vous retrouviez la même aisance que vous aviez dans le tempo précèdent et que vous puissiez jouer l'œuvre sans grand effort d'attention. Recommencez le même processus, palier par palier, jusqu'au tempo final. Ce qui est intéressant de noter, c'est que l'on progresse par palier et non linéairement. Presser en augmentant le métronome degré par degré s'avère être scolaire et inutile. La prise de vitesse doit être un lâcher de contrôle et non un stress grandissant. Vous serez surpris de voir à quel point vos "paliers" peuvent être inégaux : peut-être augmenterez-vous de 20 degrés de métronome en une fois alors qu'à d'autres moments vous ne gravirez que 5 échelons. Il est également fondamental "d'oublier" la vitesse lorsque l'on presse. La vitesse est le résultat d'un processus de globalisation et non une fin en soi. Se forcer à atteindre un tempo donné peut parfois créer une barrière inaccessible ! Enfin, il est important durant cette phase de se chanter mentalement (hors instrument) le morceau dans son tempo définitif (comme à la fin de l'étape n° 1) afin de mobiliser toutes nos ressources à atteindre le tempo final. Un travail lent peut en effet vous avoir accoutumé à entendre le morceau lentement, ce qui serait un obstacle majeur pour la prise de vitesse : on ne peut pas jouer vite ce que l'on entend lentement ! La finition A ce stade, nous pouvons jouer l'œuvre dans son tempo. La maison est finie et tient debout. Néanmoins, il reste à peaufiner et à consolider chaque détail afin qu'elle devienne une belle bâtisse avec une décoration intérieure et extérieure magnifique. Plusieurs approches peuvent nous y aider selon le contexte : · Consolidez vos apprentissages et votre mémoire en vous imaginant mentalement en train de jouer l'œuvre. Vérifiez alors la bande visuelle, sonore et sensitive de ce film : améliorez les passages où la partition est floue dans votre tête, où le son vient à disparaître, où les sensations de l'instrument sont imprécises. Ce sont sûrement des passages où vous avez des doutes ou des difficultés en jouant. · Affinez le caractère émotif que vous voulez donner à chaque passage. Imaginez, par exemple, une histoire avec des images ou des scènes qui sont porteuses de l'émotion nécessaire au passage en question. Cherchez des sons, des odeurs, des sensations associées à chaque phrase musicale. · Travaillez et "polissez" tous les détails (techniques ou musicaux) qui en ont encore besoin. Dirigez l'œuvre mentalement en fonction de la forme, des climax, de l'équilibre des tempi comme le ferait un chef face à son orchestre. Testez si l'œuvre est complètement assimilée en la jouant automatiquement. Parlez ou jouez en regardant votre film préféré à la télé et testez si les doigts continuent malgré ce manque d'attention ! La liste n'est pas close. A ce stade de l'apprentissage il ne s'agit plus de passer beaucoup de temps à son instrument mais bien plus de prendre de la distance pour assurer une vision globale de l'interprétation que l'on veut donner. C'est durant cette phase que le critique sera le plus présent : enregistrez-vous et critiquez-vous comme le ferez un professeur avec son élève. Jouez devant des personnes et reprenez votre travail en fonction des avis que l'on vous a donné. Continuez ce travail de critique jusqu'à ce que l'on pense de vous soit conforme à ce que vous pensez exprimer quand vous jouez. Maintenant le processus du travail est presque fini. La dernière touche consistera à "rôder" l'œuvre en public. Il est toujours nécessaire de jouer l'œuvre plusieurs fois dans les conditions du concert afin de prendre ses marques et d'y inclure les éventuelles réactions du public. C'est après plusieurs concerts que l'œuvre prendra sa forme achevée. Devenir un bâtisseur Ces quatre étapes représente le chemin employé par une majorité de musiciens dans leur travail instrumental. Si chaque étape est respectée, la progression se fait dynamiquement et mène "droit au but". Beaucoup de problèmes d'apprentissage résultent d'un mélange dans l'ordre des étapes ou d'une "hypertrophie" ( ! ) de l'une d'elles. C'est ainsi que certains musiciens restent trop longtemps au niveau du détail (étape n° 1) en oubliant presque l'objectif : quand il faut jouer au tempo ils en sont incapables. D'autres, au contraire, se précipitent vers l'édification de l'œuvre et veulent jouer trop rapidement au tempo : ils sont alors contraints de revenir périodiquement "en arrière" pour installer à posteriori les détails manquants (étape n° 2). Il arrive un moment où ils ne savent plus comment progresser faute d'avoir défini ce qu'ils souhaitaient comme interprétation (étape n° 1). C'est un peu comme si quelqu'un voulait construire une maison sans plans ni fondations. Arrivé au deuxième étage la maison menace de s'effondrer ; on colmate alors les fissures, on va à la cave pour faire les fondations manquantes et au lieu de construire on passe son temps à éviter que tout s'écroule. A la fin on n'est pas jamais content du résultat et la maison ressemble à un immense rafistolage ! Si ces étapes peuvent être consciemment mises en place, la vie fait que chacun y apporte des aménagements personnels jusqu'à ce qu'elles deviennent un processus inconscient de travail. C'est la grande différence entre l'apprenti architecte et le maître. Ce site vous a plu et vous voulez contribuer à son agrandissement, vous y avez trouvé des documents intéressants, envoyées à votre tour vos documents pedadagogiques à assocontinuum@yahoo.ca Date de création : 10/09/2007 @ 19:49 Lecteur
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